| LE FOIN ET LA MARIÉE (FABLE)
 Heureux les paysans qui avancent ou reculent les travaux dans leurs champs pour
 rester dans la logique du temps.
 
 Dans une campagne d'antan, à les Hommes savaient ouïr
 La voix de la nature et respecter la Terre,
 Le labeur quotidien s'ajustait au soleil :
 Un travail de terrien passant avant plaisir !
 Il y eut une belle noce avec une belle mariée
 Qu'était bien aguichante avec son air mutin.
 Le marié sur le tard, avait besoin d'une femme
 Pour tenir sa maison et vaquer aux ouvrages.
 Il y eut d'la mangeaille à  s'arrondir la panse
 Et un tas de cadeaux offerts aux jeunes mariés.
 Y'avait le cousin Jules sui faisait cantonnier
 Et qui creusait les tombes en bouffant du curé ;
 Il pensait politique d'la couleur de son vin.
 Y'avait le père Maurice qui faisait menuisier
 Et taillait sur mesure de sapin et d'aubier
 La caisse de ses copains qui prenaient leur congé.
 Y'avait la mère Mathilde qui faisait l'épicière
 Avec de belles manières en comptant sur ses doigts ;
 Elle suçait son crayon en vendant des bonbons.
 Et bien sûr tous les autres, valets comme tâcherons.
 Le vieux Louis conta tout plein d'histoires anciennes,
 Et le cousin Victor a chanté des romances.
 Un gentil vin d'Anjou, gouleyant à  plaisir,
 Rendait les invités bien gais et enjoués.
 La jeunesse a dansé des rondes et des bourrées,
 Y avait de l'amusement et de la bonne entente
 Sous le ciel étoilé de la nuit qui passait.
 Il va maintenant faire jour, il est temps d's'en aller.
 Le violoneux s'arrête et la noce est finie.
 Les invités saluent : Au revoir, à  tertous !
 Les mariés restent là , avec tout le tra la la.
 Lui, c'est le gros fermier dont les vaches sont au pré ;
 Elle, c'est l'enfant de la ville qui découvre la campagne
 Au milieu de la cour à les coqs coqueriquent.
 Et voilà  la mariée qui, toute énamourée,
 Aguiche son bonhomme en se collant à  lui.
 Il regarde, soucieux, le ciel à se moutonnent,
 Dans un étrange ballet, des nuages sombres et gris
 Comme pour dire l'aventure à  ce nouveau ménage
 Qui va devoir faire face aux humeurs de la Terre.
 « Mon Pierre, dit l'amoureuse, n'as-tu rien à  me dire
 Maintenant que nous sommes seuls au milieu des champs ? »
 Mais lui, soudain pressé, s'emporte comme soupe au lait :
 « Regarde ce foutu ciel, il va mouiller sous peu.
 Et mon foin, nom de Dieu, qui n'est pas ramassé !
 C'est la mangeaille des bêtes qui risque d'être fichue ;
 Il faut aller au pré avant que la pluie tombe
 Et mettre l'herbage en meule pour parer à  ce temps.
 Les voilà  qui s'en vont, la mariée en robe blanche
 Et portant sur l'épaule une fourche à  deux branches.
 En se retrouvant là , plutôt que sous la couette,
 Elle qui rêvait d'amour en a l'âme tourmentée.
 La citadine navrée ratisse, fourche et entasse
 Le foin à  pleines brassées en meurtrissant ses mains,
 Arpentant la prairie en piétinant ses voiles.
 La voici devenue femme de paysan
 Dont la vie va couler comme un fleuve de labeur.
 Entre le foin qu'on rentre et les vaches qu'il faut traire,
 Les tâches sont permanentes, elles épuisent et elles usent.
 La nature aujourd'hui lui vole sa nuit de noce !
 
 
 
 
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