PROGRèS ?
Dans ma lointaine enfance, on entendait parfois
l’expression imagée d’impossibles souhaits :
"Oui, ce sera la semaine des quatre jeudis !!" **
Bien sûr, quatre jeudis ne se sont pas croisés
au cours d’une semaine, en créant le chaos.
Mais les quatre saisons se disputent le temps
comme des chiffonniers, en UN jour, quelquefois !
L’aube a l’air d’un hiver, avec ses doigts gelés ;
le matin, c’est l’été ; le soleil s’enhardit.
Hélas, l’après-midi, nous sommes arrosésÂ
et le vent de l’automne nous livre ses assauts.
Lorsque tombe le soir, on dirait le printemps !
Les folies des humains perturbent la nature.
Leur orgueil insensé déchaîne les tornades
et leurs débordements contaminent les mers.
Le ciel crie sa colère ; excédé, il délire ;
pour notre châtiment, détraque les saisons.
Nous courons, effrénés, vers une fin logique.
Notre Terre, réduite à sa caricature,
ne pourra plus nourrir ses habitants malades
puisque nos chefs d’Etats, prometteurs de chimères,
depuis des décennies, lestent leurs tirelires
repoussant tout remède, pour de viles raisons,
obsédés par leurs matchs, sur le ring politique.
Ne dites surtout pas que je suis pessimiste.
A quoi sert le progrès ? Nous sommes au plus mal.
La Science voit plus clair, mais pas les médecins.
On soigne d’un côté, on abîme de l’autre.
Les médias nous effraient, pour faire de l’audience.
Les banques nous menacent, épargnant les vautours…
Je peux, à l’infini, allonger cette liste.
Plus grand-chose aujourd’hui, ne me paraît normal.
Dans ma tête, déjà , sanglote le tocsin.
Notre époque en émoi voit de nouveaux apôtres
vendre des aller simples, en totale inconscience,
vers un monde inconnu, à piller à son tour.
Et le peuple aveuglé, plus crédule qu’avant,
converti à l’ego, gavé d’artificiel,
retourne à quatre pattes, en mouton de Panurge,
se croit pourtant unique et même supérieur.
Il a tout désappris de la belle Nature
qu’il ne regarde plus, attentif à ses jeux.
Elle était pourtant douce, la chanson du vent !
Ils me faisaient rêver, les blancs troupeaux du ciel !
Je crains pour les suivants ; c’est pourquoi je m’insurge.
Pour moi, j’ai dépassé l’étape de frayeur ;
je vais, à pas sereins, gagner ma sépulture
quand la mort voudra bien que je ferme les yeux.
** la semaine des 4 jeudis : au XVe siècle, les gens auraient aimé 4 jeudis, pour retarder ou remplacer le vendredi, jour maigre.
L’expression fut confortée par les écoliers qui auraient voulu 4 jeudis, jours de congé.
Camille MALCOTTE-GEHENOT |  |
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